La création d'établissements scolaires
Les Sourds étaient traditionnellement isolés des entendants et, souvent, ne pouvaient recevoir d’éducation. C’est la création d’institutions pour les élèves sourds au Canada qui permet le façonnement d’une culture des Sourds. La première école pour enfants sourds fait ses débuts à Québec le 15 juin 1831. Cela prend deux ans avant qu’Antoine Caron, un ancien élève de cette école, commence à y enseigner, devenant à ce moment la première personne sourde à enseigner aux élèves sourds au Canada.
Institution des Sourdes-muettes, rue Saint-Denis à Montréal | BAnQ numérique
Institution des Sourdes-Muettes, rue St-Denis
À Montréal, on doit les premières institutions vouées à l’éducation des enfants sourds à l’évêque Ignace Bourget. À la suite de son inauguration en 1848, l’Institution des Sourds-Muets de Montréal est confiée aux Clercs de Saint-Viateur. Par après, l’Institution des Sourdes-Muettes ouvre ses portes en 1851 et est mis à la charge des Sœurs de la Providence.
L'oralisme mis de l'avant
Il existe à cette épopque deux écoles de pensée quant à l'éducation des personnes sourdes: utiliser l'oralisme ou la langue des signes pour l'enseignement. L'oralisme vise l'utilisation de la parole à tout prix, tandis que la langue des signes permet aux élèves sourds d'utiliser leur langue naturelle pour communiquer et apprendre.
En 1880, le 2e Congrès international pour l'amélioration du sort des sourds-muets se tient à Milan. On y déclare que la méthode orale doit être privilégiée. On affirme «l'inconstestable supériorité de la parole sur les signes» (Leduc, 2018). Par la suite, pendant près d'un siècle, on abandonne la langue des signes dans l'enseignement. Cette dernière est enseignée seulement aux femmes, dans les cas les plus sérieux, et doit être utilisée en cachette
L'Institut Raymond-Dewar
Dès les années 1960, l’intervention de plus en plus marquée de l’État entraînera progressivement la fermeture de la majorité des pensionnats pour personnes handicapées, au profit de la mise en place de commissions scolaires régionales. En optant pour l’intégration des enfants sourds dans les commissions scolaires à l’échelle du Québec, le gouvernement québécois provoquera une baisse marquée des effectifs dans les institutions montréalaises spécialisées dans l’éducation des Sourds. En raison des changements structurels, l’Iinstitution des Sourds-Muets et l’Institution des Sourdes-Muettes doivent renforcer leur collaboration, dans le but de réduire graduellement le chevauchement des services et de préparer leur fusion.
L’Iinstitution des Sourdes-Muettes ferme définitivement en 1975. L’Iinstitution des Sourds-Muets prend alors temporairement le nom d’Institut des Sourds de Montréal et réoriente son mandat. L’enseignement secondaire y prend fin complètement. L’établissement se recentre alors sur sa mission de réadaptation, en accueillant des élèves ayant des besoins spéciaux trop importants pour être intégrés dans le système scolaire régulier.
Devenu un établissement public, l’Institut des Sourds établit des programmes spécialisés afin d’accomplir ses nouvelles fonctions. En 1983, il déménage dans les locaux de l’ancienne Institution des Sourdes-Muettes, situés rue Berri, et adopte le nom d’Institut Raymond-Dewar, en mémoire d’un jeune leader de la communauté sourde décédé tragiquement la même année. Le mandat du nouvel institut est d’offrir à toute personne ayant une déficience auditive les moyens de développer pleinement son potentiel et son autonomie, afin de favoriser son intégration sociale. Au fil du temps, l’Institut Raymond-Dewar élargit ses activités, notamment en recherche et en formation, dépassant ainsi le rôle d’un simple centre régional de services. Depuis 2015, il fait partie du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal.
La LSQ, une langue à part entière
Au Québec, la reconnaissance officielle de la langue des signes québécoise est abordée pour la première fois lors du Sommet sur la déficience auditive de 1986 et demeure depuis une revendication centrale des associations concernées. La reconnaissance officielle de la LSQ fait partie d’un combat beaucoup plus ample pour la reconnaissance d’une communauté sourde québécoise. La LSQ diffère de l’ASL (langue des signes américaine) ainsi que de la LSF (langue des signes française) et de la langue française : elle est une langue à part entière.
Elle permet l’accès à une éducation bilingue où le français et la LSQ sont utilisées comme langues d’enseignement.
La culture des Sourds
La culture des Sourds est riche et unique. Elle réunit une communauté liée par une histoire, une langue et bien plus. Faire partie de cette communauté, c’est partager un humour, se réunir autour d’activités sportives et sociales, et transmettre des traditions qui renforcent le sentiment d’appartenance. C’est aussi adopter une vision du monde façonnée par l’expérience visuelle, où la communication, la solidarité et la créativité occupent une place centrale.